On lâche du lest : vive l’imperfection !
Toujours plus, toujours plus vite. Top productivité, top efficacité. Nous n’osons plus avouer nos failles et nos vulnérabilités, trop souvent prises pour de la faiblesse. Comment, dans un monde hyper réactif, hyper connecté, hyper rapide, retrouver ses bases ?
Nous courons inlassablement à la recherche d’un idéal sans même nous rendre compte que nous ne faisons que tourner en rond, de plus en plus vite, et sans jamais nous extraire de l’engrenage, car nous ne regardons que devant nous quand l’issue est peut-être sur le côté. Et plus la roue tourne vite, plus il semble difficile d’en sortir et nous poursuivons notre course folle…
Se réconcilier avec le temps
Pour accomplir toutes les tâches que nous nous fixons, il nous faudrait des heures, des jours, voire des années de plus. Et il n’est même pas certain que nous ne cherchions pas à remplir ces heures supplémentaires… Nous disons » je n’ai pas le temps » ou » gagner / perdre du temps « , » courir après le temps « … Or, nous n’avons aucune prise sur le temps. Le temps passe avec ou sans nous… Il peut être ami ou ennemi et nous le vivons différemment en fonction de l’événement. Une soirée entre amis ou remplir une déclaration d’impôts. Un dîner romantique ou une réunion de bureau…
» On ne construit pas la vie que l’on veut en gagnant du temps. On construit la vie que l’on veut et puis le temps s’économise lui-même. » affirme Laura Vanderkam, conférencière et auteure de plusieurs ouvrages sur le temps. » Une des femmes dont j’ai étudié l’organisation découvre que son chauffe-eau cassé en rentrant chez elle. Il y a de l’eau partout dans son sous-sol et elle s’occupe donc des dégâts le soir même. Le lendemain, les plombiers arrivent et le jour suivant, une équipe de nettoyage. Ça a pris sept heures de sa semaine. Sept heures ! Pourtant si on lui avait demandé en début de semaine : « Trouverez-vous 7 heures pour vous entraîner pour un triathlon ? » Elle aurait dit qu’elle était trop occupée… Ça nous montre que le temps est très élastique. On ne peut pas fabriquer du temps en plus, mais le temps s’étire pour accueillir ce que l’on choisit d’y mettre. «
Donc, la clé pour la gestion du temps est de traiter nos priorités comme l’équivalent de ce chauffe-eau cassé.
Pour le démontrer, Laura Vanderkam, prend l’exemple d’une femme qu’elle a interviewée. Avec une entreprise de 12 salariés et 6 enfants, comment faisait-elle pour gérer son temps ?
» Elle n’était pas disponible parce qu’il faisait beau et qu’elle partait en randonnée ! Elle m’a expliqué par la suite : » Chaque minute passée, est mon choix. » Au lieu de dire : » Je n’ai pas le temps pour… » elle dira : » Je ne le fais pas parce que ce n’est pas une priorité. » » Je n’ai pas le temps » signifie souvent » Ce n’est pas une priorité « . Quand on y pense, c’est un langage plus précis. Je peux dire que je n’ai pas le temps pour dépoussiérer, mais ce n’est pas vrai. Si on me proposait $100 000 pour le faire, je le ferais assez rapidement « .
Accepter l’imperfection
L’imperfection est progressivement devenue un défaut, une tâche, une tare à éradiquer. Nous devons être des êtres parfaits sous peine de nous voir bannis de la communauté… Qui a dit cela ? Et si ça se passait dans nos têtes exclusivement ? Et si la perfection tant recherchée n’était que le reflet de notre besoin d’amour et de reconnaissance ? Car tous les êtres humains ont leurs défauts, et renier nos vulnérabilités revient à refuser celles des autres et donc à fausser nos relations. Nous nous infligeons des charges et des obligations que personne d’autre que nous n’exige.
Dans un monde hyper connecté, supposés faciliter nos relations, nous voyons en fait augmenter le nombre de personnes seules qui tentent désespérément de se créer une image idéale et qui finissent par se confondre avec leur avatar… Sur les réseaux sociaux, nous montrons ce que nous voulons bien montrer et généralement, nous nous créons une image positive, forte. Pas de laisser-aller, pas de chagrins, pas de déceptions, ou alors ceux que l’on va surmonter (forcément !). Et les « amis » du réseau, ne voulant pas être en reste se dépeignent de la même manière…
» J’ai supprimé mon compte Facebook « nous dit Emilie, 24 ans » Au début, c’était sympa de partager plein de trucs avec les copains. Et puis je me suis retrouvée à consulter mon téléphone sans arrêt et à traquer le moindre commentaire. Je me sentais hyper mal… J’avais l’impression que tout le monde faisait des trucs super et quand je regardais ma vie, je n’y trouvais rien d’exceptionnel. Alors j’en rajoutais un peu… C’est quand j’ai passé une soirée avec une amie qui avait besoin de parler que j’ai réalisé que ce qu’elle racontait était faux ! Elle voulait donner la meilleure image d’elle-même… Évidemment ! Je n’y avais même pas pensé… J’ai décidé de revenir aux vrais échanges. Par téléphone ou en vrai. Et ça va beaucoup mieux. Nous avons des joies et des peines et on peut en parler ensemble. Ça fait du bien ces relations…. Ça permet de se reconnecter, de se sentir proches, moins seule… de trouver des solutions aussi… «
Prendre conscience de sa vulnérabilité est profondément libérateur. Lorsque l’on accepte de ne pas être dans la toute puissance, on peut alors être acteur de sa vie et agir en toute conscience. Le véritable courage se situe dans l’acceptation de sa vulnérabilité, car elle permet de s’engager pleinement.
Pour David Whyte, conférencier, poète et philosophe, auteur (entre autres) de Consolations » Le seul choix que nous ayons en devenant plus mature, c’est de quelle façon nous allons habiter notre vulnérabilité. Allons-nous développer plus de courage et de compassion en devenant plus intimes avec la connaissance de notre état temporaire ? Ou bien, à l’opposé, allons-nous nous plaindre, le cœur plein de peur face à notre fragilité et ne jamais vraiment vivre ? «
Vouloir à tout prix atteindre la perfection, c’est le contraire de l’action et c’est le contraire de l’être. Tout à un prix. Surtout le » paraître « . Vouloir être physiquement parfaite dénote déjà un mal-être. S’aimer et être aimée sous condition. S’aimer de manière inconditionnelle permet d’aimer, en retour, de manière inconditionnelle. Accepter d’imperfection permet d’agir et agir même à la confiance en soi.
Aujourd’hui, nous avons tendance à penser que vulnérabilité équivaut à faiblesse. Mais d’après le professeur Brené Brown, auteur du bestseller « Le pouvoir de la vulnérabilité « , cette notion serait plutôt le berceau de l’amour, de l’empathie, et du courage.
Le rejet de la vulnérabilité découle le plus souvent de son association avec des émotions négatives comme la peur, la honte, le chagrin, la tristesse et la déception. Ce sont des émotions dont on ne veut pas parler, même quand elles affectent profondément la manière dont on vit, aime, travaille, dirige. Ce que la plupart des gens échouent à comprendre, et qu’il m’a fallu une décennie de recherches pour éclaircir, c’est que la vulnérabilité est également le berceau des émotions et des expériences qui font follement envie. La vulnérabilité est le terreau de l’amour, de l’intimité, de la joie, du courage, de l’empathie et de la créativité. Elle est la source de l’espoir, de la responsabilité et de l’authenticité. Quand on veut éclaircir ses objectifs et mener une vie plus spirituelle, la vulnérabilité est la voie à emprunter.
Je sais que c’est difficile à croire, surtout quand on a passé sa vie à penser que vulnérabilité et faiblesse étaient synonymes, mais c’est vrai. Je définis la vulnérabilité comme l’incertitude, la prise de risque, l’ouverture émotionnelle. Avec cette définition à l’appui, réfléchissons à l’amour. Aimer jour après jour quelqu’un qui répond ou non à cet amour, dont on ne peut pas assurer la sécurité, qui reste ou part sans préavis, qui se montre loyal jusqu’à la mort ou trahit à la première occasion, c’est cela la vulnérabilité. L’amour est incertain et incroyablement risqué. Aimer, c’est se mettre à nu sur le plan affectif. Oui, c’est effrayant et ça peut faire mal, mais peut-on imaginer de vivre sans aimer et être aimé ?
Extrait de :
https://www.inrees.com/articles/vulnerabilite-force-plutot-que-faiblesse/