Manipulateurs, harceleurs, pervers narcissiques… des mots qui reviennent de plus en plus souvent dans les conversations, l’actualité et sur les réseaux sociaux. Thème à la mode ou réel problème de société ?
Qu’il s’agisse de relation sociale, de publicité ou de politique, les manipulateurs sont partout, parfaitement intégrés à la société, et leurs techniques sont parfaitement rôdées.
Cependant, doit-on voir de la manipulation partout au risque de voir l’autre comme un prédateur potentiel ? La manipulation est-elle toujours négative ou peut-elle être bienveillante, partant d’une bonne intention ?
Au fait, c’est quoi la manipulation ?
D’après le Larousse, manipuler, c’est « l’action d’orienter la conduite de quelqu’un, d’un groupe dans le sens qu’on désire et sans qu’ils s’en rendent compte » ; et à l’origine du mot : manipulare, ou « conduire par la main ». Alors qu’est-ce que la manipulation ? Un truc bienveillant ou totalement pervers ? Et si la vérité était entre les deux ? Car où commence et où s’arrête la manipulation ? Utiliser les mots et les regards qui touchent l’autre pour convaincre, c’est déjà de la manipulation. Se parer de ses plus beaux atours pour séduire, c’est aussi de la manipulation et pourtant, dans les 2 cas, l’intention est louable. Persuasion, influence, diplomatie, éloquence, autorité, charisme, magnétisme, séduction, propagande, emprise, intox, conditionnement, bourrage de crâne… Les synonymes ne manquent pas. Ce que nous entendons ou interprétons est fonction de notre histoire et de nos expériences de vie. Sofia, jolie maghrébine de 32 ans née en France, ne supporte plus qu’on lui dicte sa conduite ou la moindre allusion à ses origines. « Toute ma vie j’ai fait ce que ma famille et la société attendaient de moi. Si je gagne de l’argent, je dois le donner à ma famille et quand je cherche du travail, je ne suis jamais la première sur la liste. A force d’entendre parler de mes ‘’devoirs’’ envers ma famille et ma communauté et de voir l’image dégradée des arabes, j’en étais arrivée à croire que j’étais inférieure aux autres. Que ce que je voyais n’était pas pour moi et que je ne pourrai pas réaliser mes rêves. J’ai eu du mal à m’affirmer, à me dire que j’avais le droit de gagner de l’argent en faisant un métier qui me plait, le droit de parler… J’ai fait un gros travail sur moi pour me débarrasser de ces croyances… ». Car c’est bien de croyances dont il s’agit. Se croire incapable de réussir, se croire trop grosse, trop maigre, moche ou bête, croire que nous devons faire ou dire telle ou telle chose ou nous conduire de telle ou telle manière pour être aimée, croire que nous avons besoin de quelqu’un pour être heureuse, ne correspond pas à une réalité mais à une croyance et les manipulateurs jouent avec nos faiblesses pour obtenir ce qu’ils attendent.
Quand le prince charmant se transforme en crapaud…
A vouloir croire à l’existence du prince charmant et aux contes de fées il arrive que nous laissions la porte grande ouverte au grand méchant loup : le pervers narcissique. Celui qui nous enjôle (en-geôle ?), nous hypnotise et tisse sa toile jusqu’à nous soumettre à sa volonté et à ses caprices. Nous sentons bien que quelque chose cloche, mais nous refusons de le voir, persuadées que nous pouvons le changer et qu’il nous aime (d’ailleurs, il l’a dit…!). Aurélie, 50 ans, témoigne : « Frédéric a toujours été infidèle et je l’ai accepté. Par amour d’abord, puis pour les enfants et parce que je pensais qu’il finirait par changer. Et puis j’ai eu un cancer du sein. Trois jours avant l’opération, il est parti au milieu de la nuit, sans rien dire… J’ai découvert par la suite qu’il allait rejoindre une femme avec laquelle il avait une relation depuis 10 ans ! C’est là que j’ai pris la décision d’agir. Avec le recul, je dois bien admettre que même si le comportement de mon mari a été dégueulasse, c’est une relation que j’ai acceptée pendant des années… ! Il m’a menti et je voulais le croire… j’aurais du réagir plus tôt, avant de tomber malade. Mais j’ai fermé les yeux et je me suis menti à moi-même pour me persuader que je pouvais le changer… Il a fallu le choc de la maladie pour que je me réveille… » Pour Aurélie, le réveil a été rude, mais en définitive, elle n’a été victime ‘’que’’ d’une manipulation ordinaire… Un gros et long mensonge. Pour d’autres femmes, le chemin s’est avéré plus violent. Comme Mathilde, 32 ans, qui dit avoir subit un « lavage de cerveau » de la part de son mari. « Régis était parfait. Quand je l’ai rencontré, j’avais 19 ans et lui 23. Il m’écoutait, me soutenait, semblait me comprendre… Tout avec lui était simple et lui, il disait que je le tirais vers le haut, que je le réconciliais avec la vie, lui qui avait manqué d’affection pendant son enfance… Une petite voix en moi me disait que quelque chose n’allait pas… c’était trop parfait…mais j’ai préféré croire au conte de fée… Petit à petit, il est devenu injuste, méchant, puis violent et à chaque fois, il revenait vers moi, s’excusait, redevenait adorable. Je pensais que j’étais la seule coupable, que je n’étais pas à la hauteur… Comme il a éloigné mes amis, ma famille et je n’avais plus personne à qui parler et d’ailleurs, j’avais trop honte… Quand on sortait, il était tout plein d’attentions à mon égard mais il trouvait un moyen de me ridiculiser en public, l’air de rien… De retour à la maison, tous les prétextes étaient bons pour une scène… Les sorties étaient une source d’angoisse pour moi. Je ne savais plus ni comment m’habiller, ni comment me tenir, ni quoi dire. Les gens qui nous recevaient devaient avoir une image horrible de moi… »
Je me soumets, tu me soumets, je te soumets, nous nous soumettons… On arrête de jouer !
La manipulation fait partie de notre vie. Elle est étroitement liée à la communication et à la façon dont nous interagissons avec notre entourage. Je me soumets parfois par amour, parfois par la force et parfois inconsciemment.
La publicité qui me vend du café, un parfum ou une boisson énergisante en jouant avec mes émotions et mes valeurs (le voyage, l’énergie, l’action, le luxe, la beauté ou l’amour), me manipule. Le parent qui promet une récompense à son enfant pour l’amener à travailler ou à ranger sa chambre, le manipule.
En enrobant et en travestissant nos propos au lieu de dire les choses telles que nous les observons et telles que nous les ressentons, nous créons un scénario de manipulation.
Marie, 39 ans, confirme « Je me sentais frustrée. J’avais l’impression que mes envies et mes besoins ne comptaient pas… et puis j’ai pris conscience grâce à un séminaire de développement personnel, que je n’exprimais pas mes besoins ou que je les exprimais mal. Depuis, j’ai appris à mieux communiquer avec mon compagnon et ma famille. J’exprime simplement et clairement ce que je veux et non ce que je ne veux pas. Il nous arrive bien sûr de ne pas être d’accord mais ça donne lieu à une discussion et non à un conflit. A partir du moment où j’ai pu exprimer mes besoins, je n’ai plus ressenti de frustration ou de colère et je n’avais plus le sentiment de me soumettre à une décision injuste. Et comme j’écoutais aussi les besoins d’Adrien, il ne se sentait plus agressé ou manipulé. Ca nous a donné la possibilité d’échanger sur ce qui était important pour nous, ça nous a aussi rapproché ! »
En arrêtant de « jouer », nous retrouvons notre parole et le pouvoir de dire « oui » ou « non ». Et lorsque nous disons « oui », il s’agit d’un vrai « oui » et non d’un « bon, d’accord ». En ne jouant plus, nous redevenons authentiques, allignés. Nous ne nous soumettons plus ni à nos propres croyances, ni à la volonté de l’autre.
Garde malade ou amante et complice ?
Un autre exemple ? Jean-Maurice est malade. Pas hyper malade ! Juste un peu malade. Vous voulez sortir, bouger, marcher. Vous êtes dans une belle énergie que vous avez envie de partager, car le couple, c’est surtout ça : un partage. Mais Jean-Maurice est malade. Bien sûr, il souffre. Et ça vous embête. Un peu par empathie et surtout par ennui, disons le. Car tous ces bobos vous ennuient. Mais vous êtes une fille bien élevée et on vous a appris le don de soi et l’abnégation. Alors vous oubliez vos envies et vous restez là, à écouter les plaintes de Jean-Maurice qui a l’air d’avoir 8,5 ans. Vous lui préparez une tisane, vous le chouchoutez et vous pensez que dehors, il fait beau… Vous ruminez la situation… vous pensez à tout ce que vous pourriez faire, auriez pu faire, n’avez pas fait… Et en fin de journée, vous vous sentez frustrée, voire en colère et tous les prétextes sont bons pour déclencher un conflit, car vous lui en voulez… Votre « oui » était un « bon, d’accord ».
Essayez dans ces cas là de dire ce que vous voulez, sans agressivité, sans colère. Et si Jean-Maurice a besoin de prendre soin de lui, qu’il le fasse… sans vous, puisque vous n’en avez pas envie. Et faites ce que vous voulez faire. Et lorsque vous rentrerez, partagez avec lui les plaisirs que vous avez vécus et nons les frustrations.
Redevenez la princesse que vous étiez, petite. Devenez une déesse et si ça se trouve, les bobos de Jean-Maurice disparaîtront comme par enchantement… 🙂
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